Avant de parler de l'horreur actuelle, je vais commencer par le début.
Juillet de l'année dernière, ma compagne m'annonce une nouvelle que je ne voyais pas du tout venir : elle est enceinte de deux mois. Grossesse non désirée et donc surprise, elle souhaite cependant garder l'enfant. Je ne voulais pas d'enfant, tout du moins pas avant plusieurs années, mais j'ai suivi. Les mois suivants ont été un yoyo émotionnel pour moi, pour finir par accepter sur la fin la place de père qui allait devenir mienne.
10 janvier. L'accouchement va être déclenché en fin de matinée. Je stresse. Je rejoins la salle où la césarienne va avoir lieu. Ma compagne est là, je lui tiens la main. Quelques minutes après, quelques pleurs se font entendre, ma fille, la petite Moïra vient de naître. Ces premiers cris sont justes fantastiques, je suis tellement heureux à cet instant, tous les doutes qui m’ont habités ces derniers mois me semblent si lointain. Je laisse ma compagne dans la salle d'opération pour suivre ma fille, et coupe le cordon ombilical, lui met ses premiers vêtements. C'est bizarre mais je ne pensais pas que seulement quelques secondes suffisent pour aimer profondément quelqu'un, et je venais de voir à quel point j'avais tort.
L'histoire se serait arrêté là, je pense que cela aurait un tel coup de coeur…
Mais ça ne s'arrête pas là. Je n'ai pas vraiment parlé de la mère jusqu'ici… Et bien pour faire simple, elle est handicapée. Côté symptômes, on retrouve :
- Tout le côté droit du corps très faible physiquement (hemiparésie)
- Souffre d'un trauma lié à des agressions passées
- Est dans un fauteuil roulant depuis la grossesse
- A des douleurs dans la quasi-integralité de son corps
- Souffre de TDI (Trouble Dissociatif de l'Identité), même si techniquement elle n'a pas eu de crise depuis un an et demi (et les crises ont une durée en général d'environ 15 minutes)
Bon ça peut sembler embêtant pour s'occuper d'un enfant, mais elle a eu une autre fille d'une union précédente, et rien de tout cela ne l'a empêché de s'occuper de sa fille. Et quand elle n'est pas bien, bah… je suis là de toute façon. Surtout que voulant être sûr que rien n'aille mal sans que je sois là, j'ai décidé de quitter mon travail un peu avant l'accouchement pour être présent et ne reprendre un nouveau travail qu'après quelques mois et que tout soit en place pour gérer ma fille en mon absence (crèche,...).
Mais voilà, l'équipe de la maternité semble moins convaincue. Ils demandent la mise en place d'une Hospitalisation À Domicile (abrégée en HAD par la suite). Chaque jour après le retour à la maison, des intervenants viennent voir si tout va bien, si ma compagne se rétablit bien de l'accouchement, si ma puce est en forme.
Rien ne semble poser problème. Mais j'ai tendance à ne pas être souvent présent lors de leur visite, ces créneaux étant avant tout pour ma compagne et ma fille, je profite des visites pour dormir, vu qu'en dehors de cela mes phases de sommeil sont… quasi-inexistantes, vu que je m'occupe énormément de ma fille.
Trois semaines passent. Et deux personnes sonnent chez nous. Deux assistantes sociales. Elles viennent chercher Moïra. Un rapport alarmiste de la HAD a été déposé. En le lisant, on ne comprend pas. Que des informations fausses ou biaisées. Je ne m'occuperai pas de ma fille selon eux (alors que plus des trois quarts du temps c'est moi qui m'en occupe), ma fille ne serait pas assez souvent changée (on vérifiait sa couche au minimum une fois toute les deux heures, et également à la moindre odeur suspecte), j'aurais déclaré refuser de parler à ma fille car elle ne parle pas (alors que la seule chose que j'avais dit, le lendemain du retour à la maison, c'est que j'avais encore du mal à parler à ma fille car je n'ai pas l'habitude de parler à quelqu'un qui ne peut pas me répondre, et quand le rapport a été fait… bah je lui parlais sans souci...), et que des éléments du même tonneau.
La PMI (services sociaux) qui nous suit fait également son rapport… qui démonte point par point tout les éléments de la HAD. Ce serait très comique si ma fille n'était pas en jeu.
Une semaine passe, audience avec le juge, qui ne comprend pas avoir deux rapports devant lui complètement contradictoires. Il nous rend Moïra, mais demande à une équipe d'investigation judiciaire de s'assurer que tout aille bien.
On est heureux. Moïra est de nouveau avec nous. À côté de ça, l'aînée de ma compagne vient habiter chez nous. Son père a besoin de soins médicaux et ne peux pas suivre son traitement tout en s'occupant de sa fille. Une vie à quatre à la maison se lance. Tout va bien.
Un mois s'est écoulé depuis l'audience. Je vais me coucher après près de 48h à m'occuper de ma fille quasi non stop. Ma compagne va chercher son aînée à l'école avec Moïra alors que je dors. Sur le retour elle va à la pharmacie, elle regarde Moïra dans son landeau là-bas… Un bleu est apparu sur sa joue gauche. La pharmacienne l'envoie chez le médecin, qui l'envoie aux urgences. On ne sait pas d'où ce bleu vient, et on ne peut ignorer la possibilité d'un problème de santé ayant causé ça. Pendant ce temps je dors sans savoir ce qui se passe. Je suis réveillé quelques heures après par mon téléphone, je fonce aux urgences. Moïra doit rester là-bas pour analyse pendant quelques jours.
Les jours passent, aucune anomalie n'est trouvée. On sent que les médecins suspectent de la maltraitance. Ce que l'on ne comprend pas, car les analyses montrent aussi que Moïra n'a jamais été secouée, qu'elle n'a rien de cassé, que mis à part le bleu strictement rien d'autre n'est à noter. Mais ils font un signalement.
À côté de ça, je me fais convoquer au poste de police pour être interrogé… Avant d'y aller,je dépose ma compagne à l'hôpital pour qu'elle reste avec Moïra. En arrivant au poste, je me retrouve en garde à vue pour suspicion de maltraitance… Ils m'annoncent que Moïra va être placée à nouveau… Ils appellent ma compagne à l'hôpital pour lui annoncer la nouvelle. Elle est en état de choc. Ils décident aussi de placer son aînée. Ils iront la chercher à l'école le soir même. Moi je suis en cellule, je n'arrive même pas à réaliser l'horreur qui commence…
Deux semaines après, audience avec le juge. Deux signalements aussi rapprochés, ça lui fait peur. Il décide de ne pas nous rendre nos filles, elles seront placées en famille d'accueil pour 6 mois.
L'aînée peut revenir chez nous un week-end sur deux (et encore c'est du samedi midi à dimanche 17h, donc week-end assez court). Moïra par contre, on ne peut la voir qu'une heure par semaine. On est anéantis.
L'investigation demandée par le juge commence, ils ne comprennent pas ce qui pose problème dans notre famille. Leur rapport est rendu 3 mois après, demandant un retour à domicile au plus vite. Ça nous rassure.
Les visites avec Moïra par contre… Moïra perd son lien avec nous au fur et à mesure du temps qui passe. Son regard envers nous change, on a le sentiment de devenir des inconnus pour elle.
C'est dur. Moi et ma compagne sombrons. La dépression s'installe, mais on ne doit pas la montrer. Cela jouerait contre nous pour récupérer nos filles. Alors on coule petit à petit.
Septembre arrive. Les six mois de placement arrivent à leur terme. Je relève la tête. J'ai le sentiment que le cauchemar va cesser. J'ai même voulu faire un retour ici pour me remotiver (mon passage éclair sur le jeu Danganronpa). Mais l'audience avec le juge arrive, et il apparaît qu'un autre élément non prévu est arrivé. Le centre de placement a fait un rapport comme quoi le lien avec notre fille est trop faible et ne recommande pas un retour à domicile.
À nouveau, le juge a deux rapports contradictoires : l'investigation demande un retour à domicile, le centre de placement de continuer le placement… et dans le doute, le juge a prolongé le placement jusqu'au 30 avril prochain.
Le cauchemar reprend. La dépression revient.
On fait appel de la décision du juge, mais les délais semblent bien longs. Nous n'avons toujours pas de date.
Toujours une heure de visite par semaine. Et notre fille nous oublie de plus en plus. Je veux craquer… mais je ne peux pas me le permettre, je dois tenir pour elle.
J'ai loupé les premiers pas avec appui, les premiers repas autre que biberon. Il semble que son premier mot ne va pas tarder, je vais sûrement le manquer aussi, tout comme ses premiers pas sans aide. Et à ce rythme, ce sera son premier Noël, son premier anniversaire,...
J'ai du mal à croire qu'un simple bleu arrivé sans que l'on sache pourquoi coûte autant. Elle va avoir 10 mois, je ne l'ai eu à mes côtés qu'un mois et demi.
Cette année, je l'ai commencée en me sentant père, avec une sensation que cette année allait être l'une des meilleures de ma vie. Au final, je ne sais plus si je suis vraiment père, et cette année sera l'une des pires.
Mon pavé est sûrement un peu confus, et je m'en excuse.
La CFE me manque beaucoup, mais tant que je n'ai pas quelque chose de stable dans ma vie avec un retour de ma fille, je ne sais pas si je peux être capable de tenir, ma dépression me faisant me renfermer sur moi-même et me coupant des autres. C'est pour ça que cela fait un bon moment que je ne passe plus. Désolé, et j'espère pouvoir revenir au plus vite.